Jean-Philippe Poton, héritier de l'islam

Bien que non musulman, je m'associe complètement à votre projet de penser la tradition islamique de manière dynamique. Quand à ceux qui suggèrent l’impossibilité d’une telle entreprise, je leur répondrais que loin d’être impossible, celle-ci est inévitable, elle s’inscrit dans le processus d’émancipation de la pensée humaine par rapport aux formes dogmatiques et statiques de la réflexion, elle procède, de manière logique bien que non linéaire, du mouvement humaniste. 

Ce dynamisme que vous invoquez me rappelle le concept de « foi dynamique » de Paul Tillich, à savoir une foi qui inclut de manière essentielle le doute, la remise en cause, le retour critique sur soi, où le doute devient principe moteur, dans la tradition de Descartes (et en particulier dans la relecture de Descartes par Nishida).

Votre référence explicite au tawhid, à l’unicité de Dieu, plutôt qu’au concept problématique de l’existence, relève d’une profonde subtilité, et d’un attachement aux formes dynamiques et créatrices. Là encore, une comparaison m’est venue à l’esprit, avec le concept d’« unicité créatrice » que l’on trouve chez Rabindranath Tagore (http://www.gutenberg.org/etext/23136).

Ma tradition intellectuelle est historiquement chrétienne, bien que je préfère aujourd’hui me placer dans une optique œcuménique. Par rapport à ce mouvement, il me semble effectivement que l’Islam peut jouer un rôle décisif, au moins dans un premier temps en France, mais aussi, par la suite dans le monde. L’Inde aussi me semble un pays-clef dans cette évolution, quoique ayant une problématique très différente de celle de la France. 

Je ne suis pas, de fait, un « héritier de la tradition islamique », mais je suis prêt à le devenir si cela ne me confine pas dans une position de conflit avec le non-musulman ; je vais même jusqu'à réclamer comme un droit ma part à l’héritage de cette tradition, simplement au nom de mon humanité. Si donc, je peux me permettre une suggestion à la charte, c’est à propos de cette ouverture (qui est évidemment implicite dans la charte), vers une invitation aux non-musulmans a y adhérer, non pas avec l’objectif de contrer l’extrémisme musulman, car contrer un extrémisme n’est que la définition d’un autre extrémisme, mais avec celui de le dépasser, et aussi de se dépasser soi-même (en faisant sienne la tradition de l’autre), de progresser ensemble vers cet au-delà de « l’homme véritable qui est encore à venir », ou peut-être qui est toujours à venir.

Jean-Philippe
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